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Voici l'histoire de Ndombasi, menacé de mort en Angola, pays qu'il a fui il y a cinq ans.

 

Photo Marc WIRTZ 

 

Depuis son plus jeune âge, Ndombasi Mayela est bercé par la politique. « Mon père était le chef de notre village, au Cabinda », une province annexée par l’Angola depuis 1975, quand l’ancienne colonie portugaise a pris son indépendance. Petite enclave en territoire congolais, cette province concentre la plus grande partie des richesses pétrolières et minérales du pays.


« Mon père était membre des FLEC (Front de libération de l’État de Cabinda). Quand il est mort, en 1992, mon grand frère a pris le relais. On a du pétrole, du gaz, du fer, de l’or, des forêts. Mais pas d’école, pas d’hôpitaux. La population est au chômage, elle souffre. Notre mouvement lutte pour l’indépendance du Cabinda », résume le jeune homme. Au prix d’une répression brutale.


À 19 ans, Ndombasi découvre la prison de Luanda, la capitale, pour avoir participé à des réunions politiques avec le pasteur de sa chorale pentecôtiste. « Le pasteur a disparu depuis. Moi, on m’a maltraité, interrogé, menacé de mort si je revenais dans le mouvement. »


Mais, au village, tout le monde fait partie des FLEC. Il habite chez sa mère avec sa femme et son fils. C’est là qu’il revient.


En 2010, son destin bascule une nouvelle fois. L’Angola organise la Coupe d’Afrique des Nations de football au Cabinda. Le 8 janvier, la branche armée du FLEC attaque les soldats angolais qui escortent des joueurs togolais. L’un des footballeurs au moins est tué, il y a des blessés. « Nous, on est des combattants idéologiques », oppose Ndombasi. Mais la répression s’abat sur tout le mouvement : « Mon frère a été emprisonné, tabassé ». L’infirmière qui l’a aidé à fuir a été tuée. Lui a rallié la France.


« Ici c’est l’Europe : débrouille-toi »


Ndombasi est désormais l’aîné de la famille, exposé. Suite à une nouvelle réunion, la menace se précise. « Mon oncle m’a prévenu que le gouvernement voulait éliminer tous les participants. Le soir même, j’ai embrassé ma mère, ma femme et mon fils, et j’ai quitté mon village avec l’argent que m’a donné mon oncle. » À 5 h du matin, la police « est venue, elle a tabassé ma femme. Elle et ma mère ont été emprisonnées une journée ».


Pour 100 dollars, Ndombasi passe au Congo Brazzaville (République du Congo) où il reste caché de longs mois, ne sortant que la nuit. « Un jour de novembre 2011, on m’a dit de me préparer. Avec le contact de mon oncle, on est partis à l’aéroport, munis d’un passeport emprunté. Sur la photo, ce n’était pas mon visage. Je ne savais pas où on allait. J’ai pris l’avion pour la première fois de ma vie, sans bagage. À Paris, un taxi nous a emmenés à la gare du Nord. Il était 7 h du matin, j’avais 150 € en poche. On m’a dit : Ici, c’est l’Europe, débrouille-toi. » Le jeune homme parle portugais. « U n Africain m’a conseillé de quitter Paris et d’aller en province pour demander l’asile. Il a acheté mon billet de train pour Lyon avec 100 € : il a fait un bénéfice ! »


« Ce soir-là, à Hayange, j’ai pleuré »


À Lyon, son contact ne répond pas au téléphone. Ndombasi finit par trouver un foyer de réfugiés, un interprète, un lit grâce au 115 et la préfecture le lendemain.


Au foyer, « j’ai conté mon histoire. Ils m’ont appris que mon frère avait le statut de réfugié et qu’il habitait Lyon avec sa famille ! » Mais son appartement est exigu. Pour le loger, la préfecture décide de l’envoyer à Hayange. « Ce soir-là, j’ai pleuré. » Il s’agit maintenant d’obtenir son statut de réfugié politique et son témoignage ne suffit pas. « J’ai pris un avocat qui parle ma langue pour fournir les preuves nécessaires à l’ Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Je l’ai payé 1 200 €. » Une somme qu’il a dû économiser alors qu’il ne perçoit que 11 € par jour au titre de l’Aide temporaire d’attente (ATA) pour manger. Il y a deux ans, la Cour nationale du droit d’asile lui a octroyé son statut de réfugié politique pour dix ans. « Aujourd’hui, je ne demande qu’une chose : travailler pour faire venir ma famille. Au Cabinda, on a l’habitude de travailler. »


Des expériences à valoriser


La priorité de Ndombasi, « c’est trouver un travail. Dans mon pays, j'ai été maçon, taxi, chauffeur poids-lourd. J'ai l'habitude de travailler », appuie l'Angolais de 35 ans.


Mais rien n'est simple pour un exilé. Le jeune homme s'est rapproché de l'association d'insertion par le travail Le Grand Sauvoy, à Metz, qui travaille avec l'association Inter Service Migrants (ISM) : « On prend en compte l'ensemble des démarches nécessaires à une installation durable : hébergement, mobilité, actes administratifs, apprentissage de la langue », explique Jean-Marc Brodhag, chargé du volet insertion professionnelle à l'ISM.


« Il y a urgence, pour moi, à trouver un vrai travail ». Aujourd'hui, Ndombasi parle couramment le français. En contrat d'insertion avec Le Grand Sauvoy, il travaille à mi-temps à l'entretien des espaces verts, des voies de chemin de fer ou au nettoyage de locaux. Le reste du temps, « il prépare son avenir en se formant, en recherchant un emploi », commente Jean-Marc Brodhag. Son permis poids-lourd n'est pas valable en Moselle, « alors qu'il l'est pour mon frère dans le Rhône », fait remarquer l'Angolais. Il doit donc le repasser, soit 460 € à payer dans un premier temps avec un salaire actuellement de 630 €. « Je paye mon appartement, mon eau, mes charges, l'assurance de ma voiture que je ne peux pas conduire et j'envoie de l'argent à ma femme. Il y a urgence, pour moi, à trouver un vrai travail. » « Nous, on valorise leurs expériences auprès des employeurs : ils savent faire plusieurs métiers, ils parlent plusieurs langues, ils savent s'adapter », témoigne Véronique Chator, conseillère d'insertion au Grand Sauvoy.


Article de Céline KILLÉ – repris du Républicain Lorrain.

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